Socialistes chrétiens romands réunis à Yverdon, samedi 5 février 2011

Amérique latine: progressisme, mais pas encore socialisme !

Réunis à Yverdon le 5 février 2011, les socialistes chrétiens romands se demandaient si les expériences progressistes latino-américaines pouvaient inspirer le socialisme européen, actuellement un peu trop en manque d’inspiration à leur goût.Ils avaient fait appel à MM. Manuel Quintero, journaliste cubain, Guillermo Kerber, théologien uruguayen, et Théo Buss, théologien chaux-de-fonnier, ainsi qu’à Mmes Miriam Fridman Wenger, militante socialiste suisse-argentine et Liza Sant’Ana Lima, juriste brésilienne. Ces orateurs se sont attachés à présenter les expériences en cours en Amérique latine.

Evitant tout romantisme, ils ont montré combien les gouvernements catalogués à gauche actuellement au pouvoir ont incontestablement apporté de notables améliorations à la condition des populations de ces pays, après de longues périodes de dictatures militaires et de tortures. Comme on a pu le dire au Brésil après la victoire de Lula en 2002, «L’espoir a vaincu la peur». Mais on ne saurait encore prétendre que le socialisme a gagné dans ces pays et que le modèle est exportable. On ferait donc mieux de parler de progressisme.

Car l’amélioration des conditions de vie, largement reconnue au Brésil notamment, n’est pas encore le socialisme et ce n’est pas un hasard si le président Lula a été hué au Forum social de Porto Alegre mais applaudi à Davos ! Il n’est certes pas anodin que M. Morales, berger analphabète puis autodidacte, dirige la Bolivie ou que l’ouvrier Lula ait terminé deux mandats présidentiels avec une popularité incroyable. Ils ont redistribué les richesses et combattu l’analphabétisme, mais leurs succès ne peuvent encore être considérés comme définitivement acquis. Et il y a encore beaucoup à faire dans les domaines politique et économique.

Les inégalités restent en effet importantes (villes - régions rurales, centres - banlieues), les élites et les médias conservateurs demeurent très puissants; l’influence des USA, de plus en plus concurrencés par la Chine, et des multinationales est loin d’être jugulée par un contre-pouvoir économique; la hiérarchie catholique et certaines églises pentecôtistes sont actifs contre les gouvernements progressistes; la redistribution paternaliste des richesses masque mal l’absence de projet politique et économique à long terme; la corruption sévit toujours; les réformes agraires promises tardent; bref, globalement, le système capitaliste subsiste, avec l’essentiel de ses défauts.

Mais cela ne serait-il pas dû au fait qu’il n’est pas possible de changer l’économie et la politique d’un pays, d’un continent, et du monde, en quelques années ? Le compromis qui consiste à apporter de réelles améliorations concrètes dans le quotidien sans rupture avec le système économique mondialisé n’est-il pas une bonne solution d’urgence, même si elle est insatisfaisante intellectuellement ? Si 80% des Brésiliens, riches et pauvres confondus, sont satisfaits du «populisme» de Lula, est-il légitime de contester la méthode ? Le socialisme n’a-t-il de sens que s’il réussit immédiatement à instaurer un autre ordre économique ? Que d’ailleurs personne ne peut définir actuellement...

Au fond, c’est le débat qui divise la gauche depuis des décennies. Les expériences latino-américaines n’ont donc pas, pas encore ?, un modèle de socialisme à nous proposer. Par contre, elles démontrent que des avancées sont possibles et que l’espoir subsiste, même dans des pays à tradition démocratique fragile.

Vevey, le 6 février 2011

Service de Presse:
Fédération romande des socialistes chrétiens
Jean-François Martin, Saules 9, 1800 Vevey (privé: 021 944 56 71; prof. 021 925 59 65); redaction@frsc.ch

Vous pouvez télécharger le programme de cette journée ici au format PDF.

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